La négritude

#haut<-]Avec [Aimé Césaire et Léopold Sedar Senghor, les relations triangulaires se prolongent pour célébrer l’âme africaine pendant si longtemps meurtrie ; en exemple la construction d’Océan-Congo.


QU’EST-CE QUE LA NÉGRITUDE ?
COMMENT ET PAR QUI CE COURANT S’EST-IL FORMÉ ?

C’est un mouvement culturel et politique, la Négritude est un courant né dans les années 1930 avec Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon- Gontran Damas.

Les pensées de ces trois hommes se trouvent au carrefour de trois influences :

la philosophie des lumières,
le panafricanisme (doctrine qui tend à développer l’unité et la solidarité des peuples africains),
le marxisme (doctrine philosophique, politique et économique issue de Marx, fondée sur la lutte des classes).

Ils affirment haut et fort la grandeur de l’histoire et de la civilisation noire, face au monde occidental qui les avait jusque là dévalorisées.
Ils se refusent l’existence d’une essence noire mais veulent faire de leur identité nègre et de l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir, une source de fierté.
Pour Césaire, il s’agit de « Bâtir une nation et de fédérer un peuple, en rompant un silence collectif. »

Les trois hommes du mouvement négritude
aime-cesaire_1_.jpg Drapeau Martinique Aimé Césaire, de son nom complet Aimé Fernand David Césaire, né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe (Martinique) et décédé en 2008, était un poète et homme politique français.
D’après lui, la Négritude est le rejet. Le rejet d’une certaine assimilation culturelle ; le rejet d’une certaine image noire paisible, incapable de construire une civilisation. Le culturel prime sur le politique.
Léopold Sédar Senghor Drapeau du Sénégal
Léopold Sédar Senghor né le 9 octobre 1906 à Joal (Sénégal), était un poète écrivain et homme politique sénégalais : le premier africain à siéger à l’Académie française et le premier président du Sénégal (1960-1980).
D’après Senghor, la Négritude est l’ensemble des valeurs culturelles de l’Afrique noire. Sa définition de la négritude est : « La négritude est un fait, une culture. C’est l’ensemble des valeurs économiques, politiques, intellectuelles, morales, artistiques et sociales des peuples d’Afrique et des minorités noires d’Amérique, d’Asie et d’Océanie ».
ec16c57ed363c5ca91a3e5e5b88fe502-2-3.jpg dr-4.jpg Léon-Gontran Damas, métis blanc amérindien noir, né en Guyane, le 28 mars 1912, mort le 22 janvier 1978.
Un de ses grands thèmes est la honte de l’assimilation. Engagé dans la politique, il fut député de Guyane.

Meryl Bernol et Kimberly Kolokilagi (TBP3)

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Aimé Césaire

Un écrivain engagé et rebelle: des Antilles françaises vers l’Afrique et les États-Unis

« Pousser d’une telle raideur le grand cri nègre que les assises du monde en seront ébranlées « , tel est le projet qui commande la vie et l’œuvre d’Aimé Césaire, homme politique martiniquais et poète négro-africain.
« […]
de mon île veilleuse [… ]
je vois l’Afrique multiple et une
verticale dans la tumultueuse péripétie
avec ses bourrelets, ses nodules,
un peu à part, mais à portée
du siècle, comme un cœur de réserve. »

Pour saluer le tiers monde, Ferrements 1960


Aimé Césaire est né à Basse-Pointe en Martinique le 26 juin 1913. Il rattache son origine à un certain esclave Césaire, condamné à mort en 1833. Il obtient son baccalauréat, puis une bourse et part pour Paris à l’École Normale Supérieure en 1931.

En 1934, il fonde la revue l’Étudiant noir avec Senghor, Damas, Sainville et Maugée. Pendant ses années parisiennes, Césaire s’occupe de l’association des étudiants martiniquais, participe aux débats des intellectuels noirs dans lesquels s’élabore la notion de « négritude ». Plus poète que théoricien, Césaire a toujours défini la « négritude », qu’il célèbre à travers des images rayonnantes, selon le mouvement qui anime ses poèmes. De retour en Martinique en 1939, il enseigne au lycée de Fort de France, d’où il fondera la revue Tropiques en 1941. Le but de cette revue étant de s’efforcer de maintenir à la Martinique, pendant les années de guerre, une parole de liberté et de résistance culturelle.

Il s’engage en politique dans les rangs du Parti Communiste français qu’il quittera en 1956 après la répression de Budapest. [[Insurrection hongroise matée par les militaires soviétiques.]] Il fonde deux ans plus tard, le Parti Progressiste Martiniquais (PPM). Le parti cherche à promouvoir une autonomie des îles et dénonce l’immaturité d’un peuple endormi dans les délices de la consommation et les médiocrités politiciennes. Césaire s’opposera à la fois aux nostalgiques de l’ordre établi colonial et à ses anciens alliés communistes.
En 1945, il est élu maire de Fort-de-France puis député de la Martinique jusqu’en 1993. Il restera maire jusqu’en 2001.
Sa pensée se trouve au carrefour de trois influences : la philosophie des lumières [[Philosophie de la raison des sciences, de la critique de l’ordre social et de la hiérarchie religieuse du 18e siècle.]],
le panafricanisme [[Mouvement né en 1885 à la Jamaïque pour la réhabilitation des Noirs par l’égalité des droits avec les Blancs et l’indépendance économique et politique.]] et le marxisme [[Doctrine philosophique, politique, économique et sociale inspirée par Karl Marx et qui recouvre les mouvements socialistes.]]. Il sera maire jusqu’en 1993 où il mettra un terme à une longue carrière politique de plus de cinquante années.

Poète et essayiste

Le père du mouvement de la négritude donne naissance à une œuvre poétique majeure avec Cahier d’un retour au pays natal, publié en 1939 date de son retour en Martinique.

« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ».

Composé pour lutter contre le déracinement de l’exil, Cahier d’un retour au pays natal peut se lire comme une quête orphique (descente aux enfers de l’oppression raciale) pour y conquérir « la fierté d’être nègre ». Le mot « négritude » est forgé, pour redonner la dignité à ceux qui n’ont jamais rien inventé et que l’esclavage ou la colonisation avaient rendus muets.

Ses recueils :

1946 : Les Armes miraculeuses
1948 : Soleil cou coupé
1950 : Corps perdus
1960 : Ferrements
1961 : Cadastres
1982 : Moi, Laminaire

Sa poésie se veut une arme miraculeuse contre l’aliénation du peuple noir.
Il publie aussi des essais comme en 1955 avec Discours sur le colonialisme. En 1956, Lettre à Maurice Thorez reproche aux communistes leur incapacité à sortir de leur idéal d’assimilation, et finalement leur croyance naïve en la supériorité intrinsèque du modèle occidental.

Dramaturge

Le théâtre présente aux yeux de Césaire, l’avantage de pouvoir toucher l’immense public des non-lecteurs. Il réduit ainsi la distance entre l’intellectuel révolutionnaire et la masse populaire.

En 1963 : La Tragédie du Roi Christophe prend son sujet dans un épisode de l’histoire haïtienne : le destin de Christophe « ancien esclave, roi d’Haïti ». Cela résume tout l’enjeu de la tragédie : comment passer de l’esclavage à la liberté ? ou comment conduire un peuple à l’indépendance ?

En 1966 : Saison au Congo relate la dramatique accession à l’indépendance de la colonie du Congo belge.

En 1968 : Tempête propose une variation nègre sur la pièce de Shakespeare et pose des questions sur la résolution des conflits raciaux :  » il y a Martin Luther King [[(1929 – 1968) : Pasteur américain, lauréat du prix Nobel de la Paix, dirigeant du mouvement noir américain pour l’égalité des droits et la résistance non-violente à l’oppression raciale.]] et Malcom X «  [[(1925 – 1965) : Homme politique américain qui milita pour un Etat noir indépendant. Il remplaça son nom Little par X comme symbole du nom inconnu de ses ancêtres africains.]] et les Black Panthers »[[Groupe de libération des Noirs fondé en Californie en 1966 qui incita les gens à user de leur droit constitutionnel à s’armer.]]. Ainsi, dans Tempête, ses personnages présentent ces deux visions de la lutte pour la liberté : la non-violence ou la violence.

« ARIEL – …J’ai souvent fait le rêve exaltant qu’un jour, Prospero, toi et moi, nous entreprendrions, frères associés, de bâtir un monde merveilleux, chacun apportant en contribution ses qualités propres…

CALIBAN – … Le jour où j’aurai le sentiment que tout est perdu, laisse moi voler quelques barils de ta poudre infernale, tu la verras sauter dans les airs, avec, je l’espère, Prospero et moi dans les débris… »

La force de ces drames ? Ils ont été présentés au moment même où les anciennes colonies d’Afrique accèdent à l’indépendance, où les Américains noirs réclament leurs droits civiques.

La leçon du « rebelle » Césaire est là, dans cette fidélité à la révolte nécessaire :

« Moi Nègre

Parole de révolte

Parole de ressentiment

Sans doute

Mais aussi parole de fidélité,

Parole de liberté et d’abord

Parole de l’identité retrouvée. »

(Discours de Genève)

Malheureusement la Martinique a pleuré, en avril 2008, avec émotion le plus célèbre de ses enfants. « Papa Césaire », surnom qui lui a été attribué, s’est éteint à Fort de France (Martinique) à l’âge de 94 ans. Des obsèques nationales ont été organisées en son honneur dans la capitale martiniquaise.

Nelson Ajapuhnya (TBP3)

Poète de la culture africaine et défenseur du métissage et de l’universel

Léopold Sédar Senghor est né le 9 octobre 1906 à Joal, petite ville côtière du Sénégal. Issu d’une famille riche de l’ethnie sérère, il a eu une enfance sans problème. Son prénom sérère est Sédar qui signifie « ce qu’on ne peut humilier ».

Bachelier en 1928, il poursuit ses études à Paris. C’est l’époque où il rencontre Damas et Césaire avec lesquels il établit le fondement de la négritude. Premier agrégé africain de l’université, Senghor est avant la guerre de 39-45, professeur de lettres. Il prend part à la compagne de France, est fait prisonnier en 1940; réformé en 1942 pour maladie, il participe à la résistance dans le cadre du Front National Universitaire.

En 1945, il est élu député du Sénégal, et a publié son premier recueil Chants d’Ombre. Il est ensuite en 1955, secrétaire d’Etat à la présidence du conseil avant de devenir en 1960, le premier président de la République du Sénégal, il le restera jusqu’en 1980. Docteur Honoris causa de nombreuses universités, membre de l’Institut de France, le 2 juin 1983, il est élu à l’Académie française.

Il est décédé le 20 novembre 2001, à 95 ans. Ses obsèques ont eu lieu à Dakar en présence de Raymond Forni, président de l’Assemblée nationale et de Charles Josselin, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la francophonie. Jaques Chirac et Lionel Jospin, respectivement président de la République française et Premier ministre de l’époque, ne s’y sont pas rendus. Ce manque de reconnaissance a suscité une vive polémique.

Léopold Sédar Senghor est reconnu pour être démocrate. Cependant, il a réprimé violemment plusieurs mouvements estudiantins.

Quelques oeuvres…
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1948
1956
1961
1973

Pour le poète Sédar Senghor « le poème n’est accompli que s’il se fait chant, parole et musique en même temps » (postface à Éthiopiques).

Dans « Joal », « Vacances », « Nuit de Sine », « Femme noire », le poète évoque son enfance africaine et son exil :

 » Joal ?

Je me rappelle

Quelle marche lasse le long des jours d’Europe…

Cette absence longue à mon cœur «  (« Vacances »)

Il croise les valeurs occidentales et africaines:
« Du bruit des querelles, des rhapsodies des griots »

« Je me rappelle les voix païennes rythmant le Tantum Ergo »

Il relie l’homme au cosmos et au temps:

« C’est l’heure des étoiles et de la Nuit qui songe (« Nuit de Sine »)

« Femme nue, femme noire

Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Éternel.

Avant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie ». (« Femme noire »)

Patrice Amatsoekir(1BP1)
Nelson Ajapuhnya (TBP3)

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CONGO-OCEAN

« Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. »

(Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1955)

Le chemin de fer Congo-Océan (CFCO) est une ligne ferroviaire longue d’environ 510 km, située dans la République du Congo qui relie le port de Pointe-Noire sur l’océan Atlantique à Brazzaville sur le fleuve Congo. Il fut construit sous l’administration coloniale française entre 1921 et 1934 au prix de nombreuses vies humaines.

La construction de cette ligne fut l’œuvre de la Société de construction des Batignolles.

Le CFCO est actuellement une entreprise d’État dont la privatisation a été projetée dans le cadre des engagements pris par le gouvernement congolais envers la banque mondiale et le fonds monétaire international.
Le trafic de voyageurs a été interrompu en avril 2002 par suite d’attaques liées à la guerre civile. Il a repris en janvier 2004, mais le CFCO a subi d’autres attaques depuis.


Albert Londres et Terre d’ébène (1929)

Albert Londres (1884-1932), journaliste français, globe-trotter de l’entre-deux guerres. Ses reportages ont passionné des millions de lecteurs entre 1914 et 1932. Il a laissé son nom à un prix qui couronne chaque année, depuis 1933, le meilleur grand reporter de la presse écrite et, depuis 1985, celui de l’audiovisuel.

En 1928 pour Le Petit Parisien, il voyage du Sénégal au Congo et découvre que la construction des voies ferrées ou les intolérables exploitations forestières provoquent un nombre effroyable de morts parmi les travailleurs africains.

Il raconte comment des hommes plus ou moins volontaires sont engagés. Une fois le recrutement effectué, ils sont emmenés jusqu’à Brazzaville par l’intermédiaire des fleuves sur des chalands bondés de voyageurs (300-400 personnes). Le trajet dure 15 à 20 jours. A bord de ces embarcations l’horreur commence :  » Les voyageurs de l’intérieur étouffaient, ceux de plein air ne pouvaient ni tenir debout, ni assis. De plus n’ayant pas le pied prenant, chaque jour (…) il en glissait un ou deux dans le Chari, dans la Sanga ou dans le Congo. Le chaland continuait. S’il eût fallu repêcher tous les noyés !… « .
Ensuite les nègres prennent la direction de Pointe Noire : 30 jours de marche environ sur des pistes, il n’y pas de camp prévu pour le repos de ces hommes. On leur donne 10 F qu’ils dépensent tous à la capitale le soir-même mais rien à manger. Puis une fois arrivés à destination, ils participent tout de suite à la construction du chemin de fer. Sans matériel, juste leurs mains et leur tête : « Ici que du nègre ! Le nègre remplaçait la machine, le camion, la grue ; pourquoi pas l’explosif aussi ! Pour porter des barils de ciment de cent trois kilos les Batignolles n’avaient pour tout matériel qu’un bâton et la tête de deux nègres ! « .

Lors de son passage sur ce chantier, Londres nous affirme que déjà 17000 Noirs sont morts pour les travaux du Congo Océan et qu’il reste encore 300 kilomètres de voies ferrées à construire. Le gouverneur M. Antonetti, sûr de son objectif, confie à l’auteur :  » Il faut accepter le sacrifice de six à huit mille hommes ou renoncer au chemin de fer. « 


André Gide et Voyage au Congo

André Gide est né en 1869 dans une famille de la haute bourgeoisie protestante. Il s’est engagé contre le colonialisme après un voyage au Congo (1925-1926), en faveur de la paix (il assiste au congrès mondial de la paix en 1932) et du communisme qu’il abandonnera suite à un voyage décevant en URSS (1936). Lors de l’occupation allemande, Gide séjournera sur le continent africain. En 1947, André Gide obtient le prix Nobel de littérature (sixième écrivain français à être couronné depuis 1901).

André Gide lors de son voyage africain a croisé des hommes réquisitionnés – et déportés – pour la construction du Chemin de Fer Congo-Océan (CFCO): « Le chemin de fer Brazzaville-Océan est un effroyable consommateur de vies humaines. Voici Fort-Archambault (Sud du Tchad) tenu d’envoyer de nouveau mille Saras. Cette circonscription, l’une des plus vastes et des mieux peuplées d’AEF, est particulièrement mise à contribution pour la main d’oeuvre indigène. Les premiers contingents envoyés ont eu beaucoup à souffrir, tant durant le trajet, à cause du mauvais aménagement des bateaux qui les transportaient (certains se noient dans le fleuve et nombreux sont ceux qui décèdent de pneumonie), que sur les chantiers mêmes, où les difficultés de logement et surtout de ravitaillement ne semblent pas avoir été préalablement étudiées de manière satisfaisante. La mortalité a dépassé les prévisions les plus pessimistes.

À combien de décès nouveaux la colonie devra-t-elle son bien-être futur? De toutes les obligations qui incombent à l’administrateur, celle du recrutement des « engagés volontaires » est assurément la plus pénible. »


Raphaël Antonetti

Le 8 juillet 1924 Raphaël Antonetti est nommé gouverneur général de l’AEF, il n’a pas en France laissé un souvenir suffisant pour que le Petit Larousse lui fasse une place d’honneur dans son panthéon. Il demeure cependant au Congo une gloire nationale pour avoir permis la réalisation du Chemin de Fer Congo-Océan. Il dispose à Pointe-Noire d’un monument à sa gloire, tout juste rénové.

En aval du fleuve Congo, la Société de construction des Batignolles
œuvrait à hauteur de 172 kilomètres (traversant la forêt). A partir de Brazzaville, la Compagnie lyonnaise de l’Afrique équatoriale (COLYAF) s’attaquait au 330 kilomètres restants. Des deux extrémités de la future voie, les difficultés étaient les mêmes, qui ont fortement ralenti les travaux.
Problèmes techniques d’abord : l’approvisionnement des camps de la SCB dans le Mayombe se faisait souvent à dos d’homme ; celui des chantiers de la COLYAF était lent, parce que les matériaux importés (ciment, en particulier) venaient toujours par la voie belge avant de traverser le fleuve à Brazzaville et d’être acheminés ensuite jusqu’aux entrepôts

Problèmes géographiques ensuite. Les deux tronçons, l’un de Brazzaville, l’autre de Pointe-Noire, étaient séparés par l’enfer du Mayombe : 83 kilomètres à travers le massif et la forêt où des hommes avaient commencé à mourir.
L’instabilité du terrain faisait déplacer les chantiers et les rails nouvellement posés. Des légendes naquirent : les énormes plaques, qui formaient « la porte du Mayombe », se fermaient toutes les nuits et annihilaient tous les efforts pour les transpercer dans la journée. Au PK 95 (à partir de Pointe-Noire), des dizaines de travailleurs moururent, noyés, dans la rivière Loukoula car le safoutier sur lequel ils montaient pour en cueillir les fruits se courbait systématiquement pour les plonger dans l’eau dont le génie susceptible n’acceptait pas leur présence.

Les faits sont réels. Les explications appartiennent au merveilleux dans lequel se réfugient habituellement les humains. Instable, trop humidifiée par ses rivières et ses pluies, reposant sur un tissu de racines géantes et des couches de grès disjointes, la terre du Mayombe se retirait dès qu’on la dérangeait.

L’administration devait fournir la main-d’œuvre sur les deux tronçons mais très vite elle n’arriva même plus à fournir aux constructeurs le quart de la main d’oeuvre promise initialement. Au départ, les travailleurs étaient engagés pour un an à l’issue duquel ils étaient relevés sans trop de difficultés.

Le gouverneur général Raphaël Antonetti s’était trompé quand il proclamait : « J’ai décidé que le recrutement des travailleurs se ferait sur place, c’est-à-dire sur une bande de territoire dont la future voie ferrée sera l’axe et qui s’étendra au nord et au sud de cette voie jusqu’à une distance qui, autant que possible, ne devra pas dépasser 100 km. «  En effet les « réserves humaines » se sont épuisées le long des chantiers et les « mâles adultes » fuyaient les recruteurs. Ils désertaient leurs villages pour s’engager dans les concessions, préférant l’agriculture ou la cueillette de caoutchouc au portage des traverses et des rails.  » D’autres se transplantèrent dans les territoires qui échappaient alors au recrutement.

L’administration coloniale entreprit alors une véritable chasse à l’homme avec des sous-officiers peu scrupuleux, secondés par des miliciens ouest-africains. Entre Brazzaville et l’Océan, on amenait aux points de rassemblement les Bakongos, les Bayakas, les Bayombes la corde au cou. Des Babembes, « résistaient ouvertement au recrutement et jouaient facilement du couteau de la machette et du fusil puis prenaient la brousse », rapporte un ancien administrateur de la région. D’autres tendaient des embuscades aux recruteurs pour libérer les captifs. Puis on alla chercher les travailleurs en Oubangui-Chari, au Cameroun, au Tchad. A défaut de Babembes, de Bakongos ou de Baoumbos, on fit venir les Boubanguis, les Bandas, les Mandjias et les Saras.


« Seigneur […]

J’oublie […]

Les mains blanches qui abattirent la forêt de rôniers
qui dominait l’Afrique, au centre de l’Afrique

Droits et durs, les Saras beaux comme les premiers
hommes qui sortirent de vos mains brunes.

Elles abattirent la forêt noire pour en faire des traverses
de chemin de fer

Elles abattirent les forêts d’Afrique pour sauver la Civi-
lisation, parce qu’on manquait de matière première
humaine. »

Léopold Sédar Senghor, Chants d’ombre, 1945)

Enora Brient (1BP1)
Madia Mekenese et Marie-Rose Motuhi (TBP3)

Site à visiter Jeu ludo-éducatif

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